Ça
se passe comme ça à la Poste.
« La Poste est issue
des relais de poste créés par Louis XI en 1477 pour le transport
des messages royaux et surtout des offices de messagers royaux créés
en 1576 qui étaient autorisés à transporter le courrier des
particuliers. »
« C'est du début du
XVIIe siècle que date l'origine de l'administration des postes en
France, avec la création de la « poste aux lettres », dirigée par
le surintendant général des postes. À l'époque le port était
payé par le destinataire. »
Aujourd'hui,
malgré un âge plus que vénérable, la Poste se veut toujours
dynamique et à la pointe du progrès, prête à affronter les défis
technologiques et financiers. Or, il est des épreuves que l'on ne
surmonte qu'ensemble et en bonne intelligence.
Pour
faire comme tout le monde.
La
Poste est une vieille dame qui pense être atteinte de toutes les
maladies incurables du moment. Pour guérir, elle consulte de
nombreux spécialistes (cabinets d'audits), s'informe auprès de sa
meilleure amie France Télécom, qu'elle copie sans réfléchir
quitte à reproduire les mêmes erreurs avec les mêmes effets :
les suicides. Elle croit pouvoir embobiner son monde avec des remèdes
qui ont mené ses vieilles connaissances à la privatisation plutôt
qu'à la guérison et n'a pas hésité une seconde à se débarrasser
de son antique statut d'Administration de l'Etat et à jeter aux
orties le Service Public qu'elle incarnait pour n'en garder que
quatre missions dont on se demande si elles demeurent encore au
centre de ses préoccupations.
« Le Groupe La Poste
remplit 4 missions de service public : le service universel du
courrier et colis, l’accessibilité bancaire, la contribution à
l’aménagement du territoire et la distribution de la presse. »
La
Poste est une vieille dame autoritaire qui s'est fixé des objectifs
européens alors que sur le territoire national le J+1 relève plus
de la science fiction que de la donnée statistique réaliste. (Pour
rappel, le J+1 est le nom que l'on donne à tout objet expédié qui
arrive le lendemain!)
« Du sublime au
ridicule, il n'y a qu'un pas. »
(Napoléon Bonaparte)
Une
affaire de Code.
La
Poste est une vieille dame : elle suit sa propre logique et
semble parfois s'y perdre. Le Code des Postes et Communications
Electroniques prévoit pourtant :
« La Poste est le
prestataire du service universel postal pour une durée de quinze ans
à compter du 1er janvier 2011. »
« Le service
universel postal concourt à la cohésion sociale et au développement
équilibré du territoire. Il est assuré dans le respect des
principes d'égalité, de continuité et d'adaptabilité en
recherchant la meilleure efficacité économique et sociale. Il
garantit à tous les usagers, de manière permanente et sur
l'ensemble du territoire national, des services postaux répondant à
des normes de qualité déterminées. »
« Les points de
contact avec le public donnant accès aux prestations de service
universel autres que les envois en nombre et à l’information sur
ces prestations doivent permettre qu’au moins 99 % de la population
nationale et au moins 95 % de la population de chaque département
soit à moins de 10 kilomètres d’un point de contact et que toutes
les communes de plus de dix milles habitants disposent d’au moins
un point de contact par tranche de vingt milles habitants. »
« La
confiance donne de l'avance », dit l'actuel slogan du Groupe la
Poste. La réciproque, par contre, est discutable.
Une
histoire de statut.
« Il m'est arrivé de
prêter l'oreille à un sourd. Il n'entendait pas mieux. »
(Raymond Devos)
La
Poste est une vieille dame mais cela ne l'empêche pas d'avoir des
idées généreuses comme les étrennes : c'est dans une
enveloppe, on ne sait pas ce qu'elle contient et si cela ne convient
pas, il faut attendre un an avec l'espoir que cela sera mieux ou, du
moins, répété. La Poste s'est lancée dans une vaste opération
qu'elle a appelé « le grand dialogue ». On a beaucoup
parlé, on a écouté et on a pris de bonnes résolutions
accompagnées de quelques mesurettes pour calmer le jeu. Les bonnes
résolutions, c'est comme les étrennes : on peut les réitérer
tous les ans avec la même conviction et ne jamais s'y tenir.
Communiquer avec tapage sur des promesses est bien plus économique
que de convaincre avec des faits concrets.
« Mais comment
peut-il manquer aujourd'hui de l'argent pour maintenir et prolonger
ces conquêtes [sociales de la Résistance] alors que la production
de richesses a considérablement augmenté depuis la Libération,
période où l'Europe était ruinée ? Sinon parce que le pouvoir de
l'argent, tellement combattu par la Résistance, n'a jamais été
aussi grand, insolent, égoïste, avec ses propres serviteurs jusque
dans les plus hautes sphères de l'Etat. Les banques désormais
privatisées se montrent d'abord soucieuses de leurs dividendes, et
des très hauts salaires de leurs dirigeants, pas de l'intérêt
général. »
(Stéphane Hessel - né en
1917 - Indignez-vous ! - 2010, page 11)
Le
changement de statut de la Poste était tellement mal perçu par les
usagers et le personnel que les politiques ont cru indispensable,
pour faire avaler leur couleuvre, de noyer cette transformation sous
des tombereaux de garanties qui ne résisteront pas longtemps aux
lois dites du marché. La Poste est une vieille dame qui oublie que
sa vieille complice des télécommunications en a déjà payé les
pots cassés.
Pour
satisfaire la nouvelle divinité devant laquelle tout un chacun doit
désormais se courber et que l'on nomme Rentabilité, une des
nombreuses idoles du panthéon bancaire et financier occidental et
moderne, la Poste, comme nombre de sociétés qui génèrent du
chiffre, s'est mise aux goûts du jour. Comme il ne se passe pas une
journée sans qu'un spécialiste nous boursoufle le cortex avec le
coût du travail, La Poste, en bonne vieille dame soucieuse de
préserver son avenir, s'est mise à dégraisser le mammouth (pour
reprendre l'expression d'un ancien ministre). Si bien que dans bon
nombre d'établissements postaux, les guichetiers disparaissent au
profit (sans jeu de mot) des automates et autres machines mais les
files d'attente sont toujours là.
Présente
sans être là.
Pour
assurer une présence postale là où la rentabilité n'était plus
au rendez-vous, la Poste a inventé deux options : l'agence
postale communale et le relais poste.
- Le relais poste présente un avantage : cela ressemble à la Poste mais ce n'est pas la Poste et, surtout, le commerçant, même s'il peut vendre des produits postaux, n'est pas un postier.
- Le relais poste permet d'assurer une présence postale là où il n'y en avait pas du tout avant sans que cela nécessite la présence d'un agent à plein temps.
- Le cas de l'Agence Postale est un peu plus tordu. On croirait un bureau de poste, avec les mêmes produits, les mêmes matériels et les mêmes services (ou presque) sauf que l'agent est un employé communal payé par vos impôts, ce qui n'est pas le cas du postier.
- Là où le bât blesse, c'est que l'Agence Postale Communale remplace généralement un bureau de Poste de plein exercice (avec un ou des postiers) dont on aura modifié subtilement les horaires d'ouverture au public pour démontrer une perte de rentabilité fabriquée de toute pièce.
La
Poste est peut-être une vieille dame : elle a su se plier aux
méthodes de gestion qui consistent à suivre les chiffres au lieu de
l'intérêt général.
La
Poste, un Groupe et des métiers.
L'époque
de la Poste de grand-papa est bel et bien révolue : tout le
monde en est conscient. Que le Groupe la Poste veuille se recentrer
sur d'autres activités (accessoirement basée sur ses quatre
missions de Service Public), qu'elle se tourne vers les nouvelles
technologies et qu'elle se lance dans de vastes projets cela prouvera
au moins son dynamisme. Malheureusement, les méthodes utilisées
pour affronter l'avenir sont plus que discutables. Un cadre
supérieur, lors d'une de ces réunions d'auto-satisfaction dont les
hautes sphères ont le secret, s'était exclamé : « Le
monde de l'entreprise n'est pas démocratique ! » Il
semblait s'en accommoder, mieux : s'en réjouir. Prendre en
considération les avis de ses collaborateurs ne le dépouillerait
pas de son pouvoir mais permettrait à tous de progresser.
Si
la Poste est une vieille dame, ce n'est pas le cas de toutes ses
filiales, filières et autres directions à compétence nationale. La
vénérable administration que, selon Jean Gabin dans un film dont
les dialogues étaient signé de Michel Audiard « le monde
entier nous envie » a cru pouvoir rajeunir en se coupant en
morceaux, c'est à dire en métiers. Le public connaît la Banque
Postale, le Courrier et le Colis, même s'il ne sait pas les
différencier véritablement à l'intérieur d'un bureau de poste,
mais ce ne sont pas les seuls. Si la vieille dame est allée jusqu'à
séparer les guichetiers des facteurs par des portes blindées, elle
a rassemblé tout ce qui était technique dans ce qu'on pourrait
appeler un Cloud où les différentes directions, pourtant à
compétence nationale, se crêpent joyeusement le chignon.
Ça
se passe aussi comme ça, à la D.S.E.M.
Au
départ, il y a plus de dix ans, le technique n'était pas un métier
de la Poste. C'est ce qu'avaient affirmé les hiérarques de l'époque
qui n'en avaient pas moins créé la DSEM pour rassembler les
services départementaux et leur donner une structure unique et
prétendument homogène. Une décennie plus tard, même si nombre de
problèmes ont été réglés (et de façon magistrale, il faut le
reconnaître) des disparités flagrantes subsistent.
Le
dernier remix en date n'a pas été signé David Guetta mais porte le
nom de « Projet Performance Opérationnelle » (ce qui ne
veut rien dire de particulier) et n'est toujours pas abouti. Il
consistait, entre autres choses, à regrouper les départements en
territoires avec une subtilité toute française : tandis que le
territoire se voyait coiffé d'un ronflant directeur aux
responsabilités accrues, les personnels restaient affectés à leurs
départements d'origine. En résumé, une sorte d'embrouille
légalement floue dans laquelle il faut quand même réussir à
travailler en restant dans des règles que tout le monde se plaît à
piétiner, ou ignorer, selon le sens du vent.
Dans
l'espoir de contourner les énigmes réglementaires (qu'il n'est pas
question de résoudre honnêtement, ce serait trop facile, mais plus
onéreux – et la Poste n'a pas de sous à consacrer à de telles
peccadilles) les cadres bluffent.
Depuis
quelques mois, malgré les réticences des personnels techniques
impliqués, on mélange tout. Les notions de résidence
administrative, d'ordre de mission, de fiche d'intervention et tout
ce qui relève de la paperasserie, pourtant clairement définies dans
les textes officiels aisément consultables, se mettent à dériver
au gré de la fantaisie des hiérarques. On est capable de mentir,
avec effronterie, en tapant sur la table pour marquer sa supériorité,
ou même d'affirmer, sans rire, que les règles de la Poste sont
supérieures à la Loi pour le peu que vous leur mettiez le texte
sous le nez.
C'est
comme ça qu'on appréhende le grand dialogue, à la DSEM : à
coup de gourdin.
« Oui, Monsieur !
Le technicien est doté d'intelligence et est capable d'avoir des
idées ! Si vous espériez manager des singes, il fallait
postuler au zoo de Vincennes ! »
Les
personnels sont rarement consultés lors des restructurations et cela
n'a rien d'étonnant : elles s'accompagnent généralement de
baisse des effectifs. Convier les subalternes à ces groupes de
travail risquerait d'éclaircir les rangs des décideurs et autres
managers plus jaloux de leur poste que de leurs réelles compétences
au profit d'une amélioration des conditions de travail (et donc des
résultats) dont ils n'auraient plus l'initiative. Quand on a pris
l'habitude de croire que les idées ne viennent que d'en haut, on a
du mal à concevoir qu'il puisse en exister en bas.
Une
nouvelle discipline de management postal : la gestion de la
pagaille !
Une
méthode efficace pour tout embrouiller dans la gestion des
ressources humaines est de convertir les effectifs en grades,
catégories, masse salariale. Bref, ne plus parler qu'avec des
nombres et des chiffres. Si deux agents font un même travail avec un
niveau de compétence équivalent, l'un pourra être d'un grade plus
important que l'autre, ce qui permettra de retourner la situation et
d'affecter une tâche à accomplir non plus à un agent parce qu'il
saura s'en acquitter mais à un grade ou une fonction pour satisfaire
une lubie passagère. Mieux encore, sous couvert de polyvalence, une
notion comprise généralement de travers dans les services
techniques, on pourra pousser les situations absurdes au delà des
limites ordinaires : par exemple en retirant à un agent le
travail qui lui permettrait de prétendre à une promotion de manière
à rendre cette évolution de carrière impossible.
« Grâce à la
polyvalence, on peut désormais faire des planning standardisés. Il
suffit de découper le travail à accomplir dans une semaine en
différentes cases et dans chacune d'elles vous flanquez au hasard :
un horaire, un lieu où aller, un matériel à voir et un
technicien. »
Reconnaissance,
promotion, carrière et parcours professionnel.
La
Poste ne sait pas reconnaître la valeur de ses agents. Coincée
entre des restes de gestion de fonctionnaires vieillissants habitués
à l'avancement de grade ou au concours interne, même s'ils étaient
plus ou moins truqués, et les nouvelles procédures en usage dans
les autres entreprises, dont les règles peuvent être tout aussi
subjectives, la Poste en général et la DSEM en particulier, finit
par adopter la technique du « je fais ce que je veux comme je
l'entends ! »
Lors
de la visite du Directeur de la DSEM à l'agence de Rouen, à un
technicien qui avait osé parlé d'évolution de carrière, il avait
été répondu que la seule façon de l'envisager était de prendre
sa valise et de voir ailleurs si cela était possible.
Pour
remplacer un départ, en interne, la technique consiste à mettre sur
le poste un agent quelconque qui fera le travail pendant quelques
mois puis à organiser un simulacre d'entretien avec un ensemble de
candidats qui seront tous, au final, refusés.
C'est
vrai que ça encourage à faire sa valise !
Privatisation :
entrez, la porte est grande ouverte !
Nombreux
sont les postiers qui pensent que le changement de statut de la
Poste, qui s'est fait contre leur gré, amènerait l'ouverture du
capital à des investisseurs privés, dans un premier temps, puis à
une privatisation (partielle ou totale) dans un second temps. Or,
dans le domaine technique (et informatique), le privé a déjà pris
ses marques grâce à la sous-traitance.
Prenons
le cas d'un chantier de modernisation d'un bureau de Poste tel qu'on
peut en observer un peu partout sur le territoire depuis quelques
années. Tout ce qui est gros œuvre, maçonnerie et menuiserie ;
le câblage électrique, téléphonique et réseau ; la sécurité
et la supervision des travaux a déjà été délégué à des
entreprises privées.
Lorsque
vous entendez un cadre supérieur dire à une équipe de techniciens
qu'il préfère faire tirer des câbles à des ouvriers extérieurs
pour permettre à ses collaborateurs de s'investir dans des tâches
plus techniques, tâches qui s'avèrent être en fin de compte du
transport de matériels et le déballage de cartons, vous êtes en
droit de vous demander si quelque chose ne vous aurait pas échappé.
Ce quelque chose, ce n'est rien de grave : juste votre travail.
Quel
avenir pour la DSEM ?
En
dix années d'existence, les effectifs de la DSEM ont été diminués
de la moitié. (Ceux de la Poste de 300000 en 1990 sont arrivés à
181000 en 2010).
Contrairement
aux souhaits de certains syndicats, l'époque des recrutements de
masse est révolue. Quel serait l'intérêt d'embaucher du personnel
si le travail a déjà été externalisé ? La Poste a à sa
disposition des équipes efficaces et compétentes : elle
gagnerait bien plus à les motiver qu'à les dégoûter comme elle le
fait en ce moment.
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