mardi 22 janvier 2013

Des nouvelles de la Poste et de la DSEM.

Ça se passe comme ça à la Poste.
« La Poste est issue des relais de poste créés par Louis XI en 1477 pour le transport des messages royaux et surtout des offices de messagers royaux créés en 1576 qui étaient autorisés à transporter le courrier des particuliers. »
« C'est du début du XVIIe siècle que date l'origine de l'administration des postes en France, avec la création de la « poste aux lettres », dirigée par le surintendant général des postes. À l'époque le port était payé par le destinataire. »
Aujourd'hui, malgré un âge plus que vénérable, la Poste se veut toujours dynamique et à la pointe du progrès, prête à affronter les défis technologiques et financiers. Or, il est des épreuves que l'on ne surmonte qu'ensemble et en bonne intelligence.
Pour faire comme tout le monde.
La Poste est une vieille dame qui pense être atteinte de toutes les maladies incurables du moment. Pour guérir, elle consulte de nombreux spécialistes (cabinets d'audits), s'informe auprès de sa meilleure amie France Télécom, qu'elle copie sans réfléchir quitte à reproduire les mêmes erreurs avec les mêmes effets : les suicides. Elle croit pouvoir embobiner son monde avec des remèdes qui ont mené ses vieilles connaissances à la privatisation plutôt qu'à la guérison et n'a pas hésité une seconde à se débarrasser de son antique statut d'Administration de l'Etat et à jeter aux orties le Service Public qu'elle incarnait pour n'en garder que quatre missions dont on se demande si elles demeurent encore au centre de ses préoccupations.
« Le Groupe La Poste remplit 4 missions de service public : le service universel du courrier et colis, l’accessibilité bancaire, la contribution à l’aménagement du territoire et la distribution de la presse. »
La Poste est une vieille dame autoritaire qui s'est fixé des objectifs européens alors que sur le territoire national le J+1 relève plus de la science fiction que de la donnée statistique réaliste. (Pour rappel, le J+1 est le nom que l'on donne à tout objet expédié qui arrive le lendemain!)
« Du sublime au ridicule, il n'y a qu'un pas. »
(Napoléon Bonaparte)
Une affaire de Code.
La Poste est une vieille dame : elle suit sa propre logique et semble parfois s'y perdre. Le Code des Postes et Communications Electroniques prévoit pourtant :
« La Poste est le prestataire du service universel postal pour une durée de quinze ans à compter du 1er janvier 2011. »
« Le service universel postal concourt à la cohésion sociale et au développement équilibré du territoire. Il est assuré dans le respect des principes d'égalité, de continuité et d'adaptabilité en recherchant la meilleure efficacité économique et sociale. Il garantit à tous les usagers, de manière permanente et sur l'ensemble du territoire national, des services postaux répondant à des normes de qualité déterminées. »
« Les points de contact avec le public donnant accès aux prestations de service universel autres que les envois en nombre et à l’information sur ces prestations doivent permettre qu’au moins 99 % de la population nationale et au moins 95 % de la population de chaque département soit à moins de 10 kilomètres d’un point de contact et que toutes les communes de plus de dix milles habitants disposent d’au moins un point de contact par tranche de vingt milles habitants. »
« La confiance donne de l'avance », dit l'actuel slogan du Groupe la Poste. La réciproque, par contre, est discutable.
Une histoire de statut.
« Il m'est arrivé de prêter l'oreille à un sourd. Il n'entendait pas mieux. »
(Raymond Devos)
La Poste est une vieille dame mais cela ne l'empêche pas d'avoir des idées généreuses comme les étrennes : c'est dans une enveloppe, on ne sait pas ce qu'elle contient et si cela ne convient pas, il faut attendre un an avec l'espoir que cela sera mieux ou, du moins, répété. La Poste s'est lancée dans une vaste opération qu'elle a appelé « le grand dialogue ». On a beaucoup parlé, on a écouté et on a pris de bonnes résolutions accompagnées de quelques mesurettes pour calmer le jeu. Les bonnes résolutions, c'est comme les étrennes : on peut les réitérer tous les ans avec la même conviction et ne jamais s'y tenir. Communiquer avec tapage sur des promesses est bien plus économique que de convaincre avec des faits concrets.
« Mais comment peut-il manquer aujourd'hui de l'argent pour maintenir et prolonger ces conquêtes [sociales de la Résistance] alors que la production de richesses a considérablement augmenté depuis la Libération, période où l'Europe était ruinée ? Sinon parce que le pouvoir de l'argent, tellement combattu par la Résistance, n'a jamais été aussi grand, insolent, égoïste, avec ses propres serviteurs jusque dans les plus hautes sphères de l'Etat. Les banques désormais privatisées se montrent d'abord soucieuses de leurs dividendes, et des très hauts salaires de leurs dirigeants, pas de l'intérêt général. »
(Stéphane Hessel - né en 1917 - Indignez-vous ! - 2010, page 11)
Le changement de statut de la Poste était tellement mal perçu par les usagers et le personnel que les politiques ont cru indispensable, pour faire avaler leur couleuvre, de noyer cette transformation sous des tombereaux de garanties qui ne résisteront pas longtemps aux lois dites du marché. La Poste est une vieille dame qui oublie que sa vieille complice des télécommunications en a déjà payé les pots cassés.
Pour satisfaire la nouvelle divinité devant laquelle tout un chacun doit désormais se courber et que l'on nomme Rentabilité, une des nombreuses idoles du panthéon bancaire et financier occidental et moderne, la Poste, comme nombre de sociétés qui génèrent du chiffre, s'est mise aux goûts du jour. Comme il ne se passe pas une journée sans qu'un spécialiste nous boursoufle le cortex avec le coût du travail, La Poste, en bonne vieille dame soucieuse de préserver son avenir, s'est mise à dégraisser le mammouth (pour reprendre l'expression d'un ancien ministre). Si bien que dans bon nombre d'établissements postaux, les guichetiers disparaissent au profit (sans jeu de mot) des automates et autres machines mais les files d'attente sont toujours là.
Présente sans être là.
Pour assurer une présence postale là où la rentabilité n'était plus au rendez-vous, la Poste a inventé deux options : l'agence postale communale et le relais poste.
  • Le relais poste présente un avantage : cela ressemble à la Poste mais ce n'est pas la Poste et, surtout, le commerçant, même s'il peut vendre des produits postaux, n'est pas un postier.
  • Le relais poste permet d'assurer une présence postale là où il n'y en avait pas du tout avant sans que cela nécessite la présence d'un agent à plein temps.
  • Le cas de l'Agence Postale est un peu plus tordu. On croirait un bureau de poste, avec les mêmes produits, les mêmes matériels et les mêmes services (ou presque) sauf que l'agent est un employé communal payé par vos impôts, ce qui n'est pas le cas du postier.
  • Là où le bât blesse, c'est que l'Agence Postale Communale remplace généralement un bureau de Poste de plein exercice (avec un ou des postiers) dont on aura modifié subtilement les horaires d'ouverture au public pour démontrer une perte de rentabilité fabriquée de toute pièce.
La Poste est peut-être une vieille dame : elle a su se plier aux méthodes de gestion qui consistent à suivre les chiffres au lieu de l'intérêt général.
La Poste, un Groupe et des métiers.
L'époque de la Poste de grand-papa est bel et bien révolue : tout le monde en est conscient. Que le Groupe la Poste veuille se recentrer sur d'autres activités (accessoirement basée sur ses quatre missions de Service Public), qu'elle se tourne vers les nouvelles technologies et qu'elle se lance dans de vastes projets cela prouvera au moins son dynamisme. Malheureusement, les méthodes utilisées pour affronter l'avenir sont plus que discutables. Un cadre supérieur, lors d'une de ces réunions d'auto-satisfaction dont les hautes sphères ont le secret, s'était exclamé : « Le monde de l'entreprise n'est pas démocratique ! » Il semblait s'en accommoder, mieux : s'en réjouir. Prendre en considération les avis de ses collaborateurs ne le dépouillerait pas de son pouvoir mais permettrait à tous de progresser.
Si la Poste est une vieille dame, ce n'est pas le cas de toutes ses filiales, filières et autres directions à compétence nationale. La vénérable administration que, selon Jean Gabin dans un film dont les dialogues étaient signé de Michel Audiard « le monde entier nous envie » a cru pouvoir rajeunir en se coupant en morceaux, c'est à dire en métiers. Le public connaît la Banque Postale, le Courrier et le Colis, même s'il ne sait pas les différencier véritablement à l'intérieur d'un bureau de poste, mais ce ne sont pas les seuls. Si la vieille dame est allée jusqu'à séparer les guichetiers des facteurs par des portes blindées, elle a rassemblé tout ce qui était technique dans ce qu'on pourrait appeler un Cloud où les différentes directions, pourtant à compétence nationale, se crêpent joyeusement le chignon.
Ça se passe aussi comme ça, à la D.S.E.M.
Au départ, il y a plus de dix ans, le technique n'était pas un métier de la Poste. C'est ce qu'avaient affirmé les hiérarques de l'époque qui n'en avaient pas moins créé la DSEM pour rassembler les services départementaux et leur donner une structure unique et prétendument homogène. Une décennie plus tard, même si nombre de problèmes ont été réglés (et de façon magistrale, il faut le reconnaître) des disparités flagrantes subsistent.
Le dernier remix en date n'a pas été signé David Guetta mais porte le nom de « Projet Performance Opérationnelle » (ce qui ne veut rien dire de particulier) et n'est toujours pas abouti. Il consistait, entre autres choses, à regrouper les départements en territoires avec une subtilité toute française : tandis que le territoire se voyait coiffé d'un ronflant directeur aux responsabilités accrues, les personnels restaient affectés à leurs départements d'origine. En résumé, une sorte d'embrouille légalement floue dans laquelle il faut quand même réussir à travailler en restant dans des règles que tout le monde se plaît à piétiner, ou ignorer, selon le sens du vent.
Dans l'espoir de contourner les énigmes réglementaires (qu'il n'est pas question de résoudre honnêtement, ce serait trop facile, mais plus onéreux – et la Poste n'a pas de sous à consacrer à de telles peccadilles) les cadres bluffent.
Depuis quelques mois, malgré les réticences des personnels techniques impliqués, on mélange tout. Les notions de résidence administrative, d'ordre de mission, de fiche d'intervention et tout ce qui relève de la paperasserie, pourtant clairement définies dans les textes officiels aisément consultables, se mettent à dériver au gré de la fantaisie des hiérarques. On est capable de mentir, avec effronterie, en tapant sur la table pour marquer sa supériorité, ou même d'affirmer, sans rire, que les règles de la Poste sont supérieures à la Loi pour le peu que vous leur mettiez le texte sous le nez.
C'est comme ça qu'on appréhende le grand dialogue, à la DSEM : à coup de gourdin.
« Oui, Monsieur ! Le technicien est doté d'intelligence et est capable d'avoir des idées ! Si vous espériez manager des singes, il fallait postuler au zoo de Vincennes ! »
Les personnels sont rarement consultés lors des restructurations et cela n'a rien d'étonnant : elles s'accompagnent généralement de baisse des effectifs. Convier les subalternes à ces groupes de travail risquerait d'éclaircir les rangs des décideurs et autres managers plus jaloux de leur poste que de leurs réelles compétences au profit d'une amélioration des conditions de travail (et donc des résultats) dont ils n'auraient plus l'initiative. Quand on a pris l'habitude de croire que les idées ne viennent que d'en haut, on a du mal à concevoir qu'il puisse en exister en bas.
Une nouvelle discipline de management postal : la gestion de la pagaille !
Une méthode efficace pour tout embrouiller dans la gestion des ressources humaines est de convertir les effectifs en grades, catégories, masse salariale. Bref, ne plus parler qu'avec des nombres et des chiffres. Si deux agents font un même travail avec un niveau de compétence équivalent, l'un pourra être d'un grade plus important que l'autre, ce qui permettra de retourner la situation et d'affecter une tâche à accomplir non plus à un agent parce qu'il saura s'en acquitter mais à un grade ou une fonction pour satisfaire une lubie passagère. Mieux encore, sous couvert de polyvalence, une notion comprise généralement de travers dans les services techniques, on pourra pousser les situations absurdes au delà des limites ordinaires : par exemple en retirant à un agent le travail qui lui permettrait de prétendre à une promotion de manière à rendre cette évolution de carrière impossible.
« Grâce à la polyvalence, on peut désormais faire des planning standardisés. Il suffit de découper le travail à accomplir dans une semaine en différentes cases et dans chacune d'elles vous flanquez au hasard : un horaire, un lieu où aller, un matériel à voir et un technicien. »
Reconnaissance, promotion, carrière et parcours professionnel.
La Poste ne sait pas reconnaître la valeur de ses agents. Coincée entre des restes de gestion de fonctionnaires vieillissants habitués à l'avancement de grade ou au concours interne, même s'ils étaient plus ou moins truqués, et les nouvelles procédures en usage dans les autres entreprises, dont les règles peuvent être tout aussi subjectives, la Poste en général et la DSEM en particulier, finit par adopter la technique du « je fais ce que je veux comme je l'entends ! »
Lors de la visite du Directeur de la DSEM à l'agence de Rouen, à un technicien qui avait osé parlé d'évolution de carrière, il avait été répondu que la seule façon de l'envisager était de prendre sa valise et de voir ailleurs si cela était possible.
Pour remplacer un départ, en interne, la technique consiste à mettre sur le poste un agent quelconque qui fera le travail pendant quelques mois puis à organiser un simulacre d'entretien avec un ensemble de candidats qui seront tous, au final, refusés.
C'est vrai que ça encourage à faire sa valise !
Privatisation : entrez, la porte est grande ouverte !
Nombreux sont les postiers qui pensent que le changement de statut de la Poste, qui s'est fait contre leur gré, amènerait l'ouverture du capital à des investisseurs privés, dans un premier temps, puis à une privatisation (partielle ou totale) dans un second temps. Or, dans le domaine technique (et informatique), le privé a déjà pris ses marques grâce à la sous-traitance.
Prenons le cas d'un chantier de modernisation d'un bureau de Poste tel qu'on peut en observer un peu partout sur le territoire depuis quelques années. Tout ce qui est gros œuvre, maçonnerie et menuiserie ; le câblage électrique, téléphonique et réseau ; la sécurité et la supervision des travaux a déjà été délégué à des entreprises privées.
Lorsque vous entendez un cadre supérieur dire à une équipe de techniciens qu'il préfère faire tirer des câbles à des ouvriers extérieurs pour permettre à ses collaborateurs de s'investir dans des tâches plus techniques, tâches qui s'avèrent être en fin de compte du transport de matériels et le déballage de cartons, vous êtes en droit de vous demander si quelque chose ne vous aurait pas échappé. Ce quelque chose, ce n'est rien de grave : juste votre travail.
Quel avenir pour la DSEM ?
En dix années d'existence, les effectifs de la DSEM ont été diminués de la moitié. (Ceux de la Poste de 300000 en 1990 sont arrivés à 181000 en 2010).
Contrairement aux souhaits de certains syndicats, l'époque des recrutements de masse est révolue. Quel serait l'intérêt d'embaucher du personnel si le travail a déjà été externalisé ? La Poste a à sa disposition des équipes efficaces et compétentes : elle gagnerait bien plus à les motiver qu'à les dégoûter comme elle le fait en ce moment.

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