dimanche 7 juillet 2013

La mariage pour tous - acte 2.

« Il vous faut prendre conscience de ce que vous avez envie d'entendre et qui n'est pas toujours ce que l'autre a envie de vous dire. »
(Catherine Bensaid)

« L'avantage de ne connaître rien à rien c'est qu'on peut parler de tout avec une égale inconscience. »

(Philippe Bouvard.)
Il faut croire que l'actualité est à ce point pauvre que les sujets de conversation dans les salons mondains, aristocratiques et poussiéreux tournent autour du même sujet depuis quelques mois. Le mariage pour tous fait parler les bavards, provoque des exégèses à n'en plus finir et donne lieu à toute une série de commentaires tous plus grotesques les uns que les autres. Monsieur tout le monde (pour ne pas utiliser l'expression un tantinet péjorative de « français moyen ») aurait pu croire que, une fois la loi votée, les esprits s'apaiseraient et les polémiques stériles s'effondreraient comme un soufflet façonné par une piètre ménagère. Il n'en est rien. La seule intelligence qui ait pu être détectée dans ce déferlement de sornettes provient de Frigide Barjot le jour où elle a décidé de se taire. Sinon, ailleurs, on continue de débloquer.
La France, prétend-on à qui veut bien l'entendre, est une république démocratique : le fait qu'il y ait des élections à intervalles réguliers suffit à le justifier. Même si des articles de presse assez nombreux démontrent qu'en fait, la France « est la dernière monarchie d'Europe », Monsieur tout le monde, toujours lui, est persuadé depuis qu'il est tout petit, dès l'école primaire, que la République est le meilleur des systèmes politiques et que la démocratie à la française est représentative. La classe politique, qui aurait trop à perdre si la population venait à ne plus croire ce gros mensonge, utilise toutes les ruses possibles et imaginables pour entretenir ce mythe. Il existe pourtant des principes plus démocratiques, dans lesquels le peuple ne se contente pas de délivrer des mandats électoraux (sorte de blanc seing pour se faire plumer), et véritablement républicains, mais ces messieurs, ci-devant élus et représentants de la Nation n'en veulent pas. Pas assez lucratifs ?
Plusieurs personnes pourraient présenter un nouveau projet de république, non pas une sixième ou une nouvelle mouture hypocrite de la cinquième, mais l'instauration de la République, laïque, sociale et véritablement démocratique où tout citoyen, quelles que soient ses idées, opinions, religion ou origines, pourrait s'exprimer et s'impliquer dans l'élaboration de la loi. Les personnes auxquelles je pense ont l'avantage d'avoir hérité de plusieurs siècles d'histoire de France, ce qui, paradoxalement, est également leur inconvénient. Sans doute, recourir à un Bonaparte, actuellement Prince Napoléon, à un Bourbon descendant de Louis XIV, même s'il est franco-espagnol, ou à Henri d'Orléans, héritier de Henri IV, Charles X et Louis-Philippe, pour incarner cette nouvelle république paraîtra étrange, anachronique voire « contre-nature » pourtant les français auraient bien besoin que quelqu'un se penche enfin sur leur sort.
Un Bonaparte ou un Prince Napoléon ?
« Jean-Christophe Napoléon, « prince Napoléon», né le 11 juillet 1986 à Saint-Raphaël (France), est un membre de la maison impériale de France. Il est l’actuel prétendant au trône impérial français. Il a étudié au collège et lycée Saint-Dominique à Neuilly-sur-Seine, puis à l’Institut privé de préparation aux études supérieures (IPESUP) de Paris. Diplômé de HEC Paris, Jean-Christophe Napoléon travaille aujourd’hui à New York, depuis 2011, comme conseiller à la banque d’affaires Morgan Stanley. Malgré cette distance provisoire, entre lui et son pays natal, il « pense avoir un devoir d’engagement et de dévouement au service de la France. » Il souhaite « être un prince proche des préoccupations générales des Français, défendre une cause d’intérêt général, présenter des idées et les défendre, et contribuer à la promotion de notre patrimoine dans le monde ».
(Source : Wikipédia)
Déclaration de Louis de Bourbon, duc d'Anjou et de Cadix (alias Louis XX) :
« La question institutionnelle n'a jamais été plus actuelle. Elle constitue un enjeu politique de première importance et tous les Français doivent souhaiter qu'elle soit publiquement débattue, pour ne pas laisser à d'illégitimes oligarchies le soin de trancher pour nous la question de notre avenir national.
Il n'appartient évidemment pas à l'aîné des Capétiens de résoudre seul cette difficile question institutionnelle. Mais il ne m'est pas interdit de regarder avec sympathie et intérêt le développement de ces discussions au sein de la société française. Et il est de mon devoir de rappeler à tous les Français de bonne volonté, après tous mes prédécesseurs, ce que mon regretté père appelait les « vieilles recettes » de la royauté capétienne.
Pas plus que vous, je ne sais ce qui viendra « après la Ve République ». Ce que je sais, en revanche, c'est qu'aucun régime ne pourra durablement s'implanter en France s'il cherche à dresser une France contre l'autre ; à occulter le glorieux passé de notre patrie ; ou à conférer, plus ou moins discrètement, le pouvoir à une petite caste de privilégiés.
En réfléchissant à notre avenir commun, il est sage d'écouter les leçons de notre passé. »
Lorsque le descendant du Roi Louis-Philippe, Henri d'Orléans, prétendant au trône, ne cherche pas des noises à son royal cousin espagnol, il diffuse des textes sur son blog dont le nom est évocateur : Maison Royale de France. Le Monsieur tout le monde dont il a été question précédemment, serait en droit d'attendre d'un personnage, qui porte sur ses épaules plus d'un millénaire d'histoire, des propositions sérieuses et réfléchies pour l'avenir de notre pays, des projets de rénovation de la démocratie ou, pourquoi pas, la volonté de sauver la République du marasme qui l'engloutit petit à petit. Eh bien non ! Ce monsieur, qui se dit Duc de France se contente de gloser sur un sujet qui, même s'il ne manque pas d'intérêt, est à des années-lumière des préoccupations de Monsieur tout le monde, à savoir : le chômage, le coût de la vie, la crise économique et l'argent qui lui sera versé lorsqu'il aura fini par atteindre, de plus en plus tard, l'âge de la retraite. Il est question d'honneur, d'honneur perdu et d'un autre à retrouver. Si cela peut faire de bons sujets pour les épreuves du Bac Philo, pourquoi mélanger les notions, certes fort honorables, d'honneur et de conscience à des extraits tirés de La déclaration des droits de l'homme, dont on confond manifestement les versions (celles de 1789 et de 1793) pour sortir les mêmes âneries sur le sujet dont tout le monde s'est désormais lassé : le mariage pour tous.
« La plupart des hommes ne tiennent à l'honneur que pour en couvrir leur malhonnêteté. »
(Louis Dumur, Petits aphorismes sur l'honneur – 1892.)
« L'honneur est la morale de l'égocentrisme. »
(Edgar Morin ; Éthique – 2004.)
« L'honneur défend des actes que la loi tolère. »
(Sénèque)
Je cite trois extraits du dernier billet mis en ligne. (Petite remarque : tout nouvel édito d'Henri d'Orléans chasse l'ancien qui disparaît du site. C'est pourquoi il faut se dépêcher d'aller le lire.)
« L'HONNEUR PERDU des "forces de l'ordre" à qui l'on commande d'arrêter des citoyens qui manifestent pacifiquement leur désapprobation du démantèlement de la famille, alors que l'on laisse plus volontiers courir les violeurs récidivistes, les casseurs et les meurtriers. Ainsi Nicolas ou un Curé sont mis derrière les barreaux pour leurs opinions que leur dicte leur conscience, comme le furent pour ces mêmes motifs tant d'hommes et de femmes sous les régimes dictatoriaux et totalitaires. On efface ainsi avec une serpillière l'Article XIV de la Déclaration des Droits de l'Homme : "Nul ne doit être jugé et puni qu'après avoir été entendu ou légalement appelé..."
L'HONNEUR des familles et des veilleurs se manifeste pacifiquement, partout en France, en dépit des gaz, des matraques, des barreaux de prison. Ils ne lâchent rien poursuivant silencieusement, pacifiquement, joyeusement le combat pour l'honneur, le leur et celui de la France éternelle, contre la mort annoncée de notre civilisation et de notre conscience.
L'HONNEUR de nombre de Maires de France, qui ne veulent pas de cette mascarade de mariage pour tous, alors qu'ils ne sont nullement opposés à une union civile, ni ne sont homophobes. Mais ils ont une conscience et le sens de leurs responsabilités. »
Avant d'éplucher ces quelques phrases, d'en extraire quelques unes des bonnes blagues et d'en démontrer leur mauvaise foi, il y a une question à ce poser : qu'est-ce que l'honneur ? Pour cela, je consulte un dictionnaire en ligne :
Honneur (au singulier) :
  • Principe moral d'action qui porte une personne à avoir une conduite conforme (quant à la probité, à la vertu, au courage) à une norme sociale et qui lui permette de jouir de l'estime d'autrui et de garder le droit à sa dignité morale. Synon. honnêteté.
  • Homme d'honneur. Homme vertueux, probe, intègre, courageux, qui ne transige pas avec les lois les plus strictes de la morale.
  • Bien moral dont jouit une personne dont la conduite (conforme à une norme valorisée socialement) lui confère l'estime des autres et lui permet de garder le sentiment de sa dignité morale.
  • Parole d'honneur. Engagement, promesse auquel on ne peut manquer sans se déshonorer.
  • Considération que l'on accorde à une personne qui s'est distinguée par ses qualités morales, par des actions, des attitudes valorisées socialement.
Honneurs (au pluriel) :
  • Marque de respect, d'estime; manifestation extérieure qui rend témoignage de la considération, de l'admiration qu'on porte à une personne; privilège accordé à quelqu'un pour le distinguer, lui donner des marques de considération.
  • Témoignages, marques de considération, d'estime, rendus à une personne qui s'est distinguée par sa conduite; marques de distinction.
  • Fonctions, titres qui confèrent de l'éclat dans la société.
  • Principales pièces qui servent aux cérémonies, aux sacres des rois, à la célébration des grandes cérémonies.
L'honneur se base sur le respect de règles établies et reconnues par un ensemble de personnes qui les reconnaissent comme valides et qui s'efforcent de les respecter. La définition ne dit pas si le respect de ces règles est individuel ou si les autres doivent obligatoirement s'y conformer. Dans ce cas, il y aurait une sorte de prosélytisme du même type que celui opéré par certaines religions combattues.
Si avoir de l'honneur, c'est défendre un certain nombre de valeurs définies une fois pour toute par une certaine tranche de la population, le fait de défendre des principes différents, même s'ils sont humains, dans la logique de ce siècle, égalitaires et justes, n'aurait donc aucun rapport avec l'honneur. Par conséquent, l'honneur serait une qualité dont seules quelques personnes seraient dotées à l'exclusion de tous les autres.
Pour résumer les propos d'Henri d'Orléans, l'honneur serait du côté de ceux qui sont contre le mariage pour tous et tous les autres, quelles que soient leurs motivations et leurs convictions, n'en auraient point. Or, cette force qui pousse les uns et les autres à défendre leurs idées et opinions ne peut avoir qu'une seule et même origine, encore faut-il admettre qu'elle puisse porter le même nom.
Il y aurait bien une autre explication à cette énigme sémantique :
  • Les manifestants qui défilent contre le mariage pour tous le font par honneur.
  • Ceux qui sont pour l'application de la loi ne sont pas motivés par l'honneur mais par autre chose.
  • Le mariage pour tous a divisé les manifestants en deux camps opposés : les pour et les contre.
  • Les manifestants qui défilent pour le mariage pour tous sont motivés par une valeur contraire à l'honneur.
  • Les antonymes de l'honneur recensés par les différents dictionnaires, sont les suivants : abjection, avilissement, déshonneur, discrédit, flétrissure, honte, humiliation, ignominie, improbité, indignité, infamie, malhonnêteté, moquerie, turpitude.
Il est vrai qu'il est tellement plus facile, plus pratique et plus reposant pour l'intellect de décréter arbitrairement que l'autre a tort puisqu'on a raison, qu'on ne voit pas pourquoi on se gênerait de prendre les partisans du mariage pour tous pour des scélérats et les candidats à ce mariage pour des moins que rien. Mieux, pour démontrer que l'honneur est du bon côté, on n'hésite pas à sortir des arguments qui n'en ont même pas la forme, on invoque une morale dont on ne précise pas la nature et on affirme des choses qui ne reposent sur aucun fait concret. L'idée la plus originale dans cette avalanche de mauvaise foi est d'avoir fait de cette absence d'intelligence une question d'honneur. Cette fantaisie, il fallait oser la trouver et la conjuguer, si l'on peut dire, à toutes les sauces pour en sortir une série de constatations dont certaines sont pour le moins hasardeuses.
Parmi la liste des personnes qui défendent leurs actions avec honneur, figurent des maires et pas n'importe lesquels : ceux qui décident de ne pas faire ce pour quoi ils sont élus, c'est à dire représenter l’État en faisant appliquer les lois de la République. Je veux bien admettre qu'un prétendant au trône, qui continue de véhiculer des remugles vieillots autant que vieillis sur les mérites et les avantages d'une royauté ou d'une monarchie, dont on ne nous dit jamais rien de précis, n'ait pas de véritables attachement pour la République, quelle qu'en soit son acception. De là à trouver honorable de désobéir avec tapage et jusqu'au ridicule, il n'y a qu'un pas qu'il franchit gaiement et sans scrupules. Certes, il existe l'obligation de désobéissance mais ce principe s'applique pour des causes autrement plus graves telles que l'invasion des armées nazies, les lois du gouvernement d'un maréchal sénile ou la dénonciations de familles sous le prétexte qu'elles ne sont pas chrétiennes (voire catholiques). Nombreux sont ceux qui auraient souhaité, à cette époque troublée, voir l'intégralité des maires refuser d'obéir. Il est vrai également qu'on approche des élections municipales et que beaucoup de ces maires préparent leur campagne : il vaut mieux parfois désobéir pour être réélu quitte à retourner sa veste par la suite et marier tout le monde sans se poser de questions existentielles.
Henri d'Orléans reconnaît aux manifestations des opposants au mariage pour tous le caractère pacifique et joyeux. Il aurait pu étendre sa liste d'adjectifs par ceux-ci : serein, convivial, festif ou encore sympathique, populaire et allègre. Si c'est ce qu'il pense, après tout, c'est son droit mais faire passer les participants de ce qu'on voulut appeler le « printemps français » pour des victimes ou des martyres, il ne faut quand même pas exagérer. Un défilé, même silencieux, calme et paisible où les affiches et autres pancartes véhiculent des slogans mensongers, erronés ou hors de propos fait tout autant de dégâts que n'importe quelle émeute. Quand on claironne qu'on veut défendre les enfants (contre quoi déjà?) on ne leur siffle pas des sottises désuètes, rétrogrades et supposées naturelles aux oreilles.
Dans son texte, Henri d'Orléans fait référence à la France éternelle, un concept qu'il se garde de définir, par peur d'effrayer les honnêtes gens, sans doute. Qu'est-ce donc que cette France éternelle ? Un pays idyllique, mythique et immuable qui servirait de référence ou de mètre-étalon pour les valeurs en usage dans notre société ? Une simple expression dans un texte pour évoquer les temps glorieux, heureux et lointains ? Une licence poétique posée là pour rassembler les vilaines brebis égarées, les mécréants et les scélérats qui veulent se marier entre eux ? Où et quand doit-on placer cette France merveilleuse, immuable et éternelle, à supposer qu'on puisse véritablement la localiser quelque part ? La chose n'est pas simple.
  1. La France n'a pas toujours eu les frontières qu'elle a aujourd'hui. Le territoire sur lequel Hugues Capet, Philippe Auguste, Charles VII, Louis XIV, Louis XVI, Napoléon Ier, Napoléon III ou la Troisième République exerçaient leur pouvoir n'était pas le même. Sur un peu plus d'un siècle, L'Algérie a été conquise puis rendue à son peuple, l'Alsace-Lorraine a été annexée à l'Empire allemand avant de redevenir française quant à l'empire colonial, il n'en reste officiellement plus rien (sauf pour Elf, Total, Aréva...). La France éternelle , ce ne peut être cela.
  2. La France a rayonné sur l'Europe avec sa culture, ses artistes et ses penseurs. Je pense à Rabelais, à Montaigne, aux poètes de la pléiade (ils étaient sept, parmi lesquels Ronsard et du Bellay) à Descartes, Racine, Corneille, Molière, Montesquieu, Diderot et d'Alembert, mais aussi à Chateaubriand, Balzac, Flaubert, Prudhon, Zola. A quelle France doit-on rattacher cette France éternelle ? A ce que les historiens appellent « le grand siècle » ou à celui dit « des lumières ». A la France de la Révolution Française, celle du Premier Empire, celle de la Monarchie de Juillet, celle de la révolution industrielle ou celle de la Troisième République ? Ces différentes époques n'avaient pas grand chose à voir les unes avec les autres et les valeurs n'étaient pas forcément les mêmes.
  3. La France éternelle peut enfin être un fantasme, une utopie. Même dans ce cas, je doute que cette France idéale soit conçue dans les mêmes termes par les deux prétendants au trône (les Bourbons et les Orléans), Jean-Luc Mélenchon, Olivier Besancenot, Marine Le Pen, Nicolas Sarkozy ou François Hollande. Si on les interrogeait sur cette France éternelle, il est assuré que les recettes seraient dans certains cas, contraires.
  4. Il reste une dernière possibilité : la France éternelle est un mythe, un concept, et à ce titre, elle n'existe tout simplement pas. Il n'est déjà pas possible de connaître avec exactitude ce que sont ces sacro-saintes valeurs républicaines que nombre de politiciens brandissent régulièrement alors qu'elles doivent bien correspondre à quelque chose de concret (puisqu'elles sont supposées servir à l'intégration des étrangers dans la Nation française). La France éternelle est une vision de l'esprit tout comme le Jérimadeh de Victor Hugo qui n'a été forgé que pour une rime.
Henri d'Orléans doit aimer les formules toutes faites qui font l'effet d'un pétard (un pétard mouillé) mais ne reposent sur aucune observation tangible ou sérieuse. Il affirme, et il n'est pas le seul, que le mariage pour tous va conduire à ce qu'il appelle le démantèlement de la famille. Creusons un peu ce nouvel épouvantail pour simples d'esprit (à qui les évangiles promettent le royaume des cieux, si je me souviens bien).
Démanteler :
« Détruire ce qui se présente comme un ensemble organisé (fait de parties qui tiennent ensemble comme les moellons d'une muraille) et l'éparpiller. »
Je ferai remarquer, qu'en son temps, le divorce avait fait redouter les mêmes choses. La cellule familiale se scindait, certes, mais pour se reformer autrement. Ce qu'on appelle désormais les familles recomposées sont aujourd'hui très courantes et les enfants qui y sont élevés n'ont pas forcément leurs deux parents sous leur toit. L’Église ne reconnaît toujours pas le divorce mais les juges de la République en prononcent quand même tous les jours. Le principe, quoi qu'on en pense, est entré dans les mœurs.
La famille :
Le mot « famille » peut prendre deux sens différents. Il peut désigner l’ensemble des personnes qui ont des liens de parenté et d’alliances tel que grands-parents, oncles, tantes, cousins. Il désigne aussi un groupe de personnes vivant ensemble dans le même foyer, généralement les parents et les enfants.
Pour les historiens, une famille est un ensemble de personnes ayant un lien de parenté.
Pour les sociologues, ce sont des personnes habitant sous le même toit tel que deux colocataires.
Pour l'INSEE, une famille est la partie d'un ménage comprenant au moins deux personnes et constituée :
  • soit d'un couple vivant au sein du ménage, avec le cas échéant son ou ses enfant(s) appartenant au même ménage ;
  • soit d'un adulte avec son ou ses enfant(s) appartenant au même ménage (famille monoparentale).
Pour qu'une personne soit enfant d'une famille, elle doit être célibataire et ne pas avoir de conjoint ou d'enfant faisant partie du même ménage.
Un ménage peut comprendre zéro, une ou plusieurs familles. »
Le combat pour l'honneur des veilleurs fait encore et toujours référence à ces opposants au mariage pour tous qui sont capables de se mobiliser pour une affaire qui ne les concerne finalement pas. Or, l'être humain, quand il n'est pas le parfait égoïste qui est capable de tout pour satisfaire son propre intérêt, quitte à écraser son voisin, ses collègues et trahir ses amis, s'occupe de son prochain et se mêle, disons-le carrément, de ce qui ne le regarde en rien. Dans ces cas, fort fréquents, il n'hésite pas à vouloir imposer à autrui des modes de vie, des croyances ou des valeurs qu'il ne respecte pas nécessairement lui-même. Il y a pourtant de nombreux autres sujets d'indignation qui devraient faire l'objet de manifestations mais ils n'ont assurément pas la même importance. En vérité, qu'est-ce qu'on en a à faire de tous ces travailleurs qui se retrouvent du jour au lendemain à la rue parce que les usines déménagent en Asie ? Qui se préoccupe des familles qui vivent en dessous du seuil de pauvreté, réduites à mendier auprès des services sociaux tandis que les financiers engrangent des profits scandaleux ? Qui s'offusque des mensonges éhontés qu'on fait avaler aux peuples d'Europe pour engraisser les banques ? Là, personne ! S'il y a un combat et un honneur à défendre, il faudra bien que quelqu'un se décide à dire aux veilleurs qu'ils se trompent de cible. Les manifs pour tous ont l'avantage d'occuper les esprits et de distraire les foules : ailleurs, on s'occupe de votre avenir et là, ce ne sera pas la même histoire.
« Nous allons prendre conseil de notre conscience. Elle est là , dans cette valise, tout couverte de toiles d'araignée, On voit bien qu'elle ne nous sert pas souvent. »
(Alfred Jarry)
« La conscience est un bâton que chacun prend pour battre son voisin. »
(Honoré de Balzac)
« Les gens qui ont bonne conscience ont souvent mauvaise mémoire. »
(Jacques Brel)
Le mariage pour tous, qui n'est somme toute qu'une simple formalité légale, un passage d'une dizaine de minutes devant le maire, officier d'état civil, est le prélude à une catastrophe presque galactique digne de la fin des temps et des apocalypses qu'on nous y promet. On essaiera de ne pas rire ou se moquer de la simplicité naïve de la menace qui pèse au-dessus de nos têtes : lorsque deux hommes ou deux femmes voudront signer l'acte par lequel ils fondent une famille, d'un genre nouveau, je le reconnais, la fin du monde sera proche et il faudra se préparer d'une part à la venue de l'Antéchrist et d'autre part à « la mort de notre civilisation et de notre conscience », comme le rapporte le prophète royal d'Orléans. L'annonce de cet événement dont le tragique relève plus du grandguignol que de la possible occurrence, est à ce point grotesque que je ne m'y étendrai pas plus que ça.
  1. Pour ce qui est de la civilisation, l'histoire de l'humanité nous a appris que les civilisations naissaient, croissaient et s'effondraient un jour pour des raisons qui s'expliquaient. Les guerres, l'économie ou la politique ont eu raison des anciens empires tels que l'Egypte, la Perse, Rome, Byzance. Plus près de nous, des événements majeurs ont bouleversé notre quotidien : la Révolution Française, l'industrialisation, les deux guerres mondiales, l'Europe et les crises financières de ces dernières années. L'avenir nous promet encore bien des péripéties et il est probable que l'une d'entre elles viennent de Chine (ce qu'on avait appelé, dans les années 1950, « le péril jaune ». A chacun de ces changements, les habitudes et les valeurs ont changé : l'apparition du Christianisme, l'émergence de l'Islam, la Renaissance et les différentes révolutions, même si elles ont transformé durablement et en profondeur la société n'ont jamais causé sa disparition brutale.
  2. La mort de notre conscience doit être une étape ultime, quelque chose d'encore plus épouvantable que la mort de la civilisation. J'ai eu beau chercher des références historiques, littéraires ou même ésotériques, je n'ai rien trouvé d'autre que des sujets d'intérêt clinique tels que celui-ci : que se passe-t-il après la mort ? Selon l'adage scientifique qui dit que « rien ne se perd et rien ne se crée, tout se transforme » je peux affirmer qu'il y a toujours un après et que les personnes qui vivaient avant seront toujours là. Peut-être auront-elles conservé leurs illusions ou auront-elles choisi de vivre avec leur temps. L'avenir nous le dira.
Le dernier point soulevé par l'extrait du texte d'Henri d'Orléans concerne la conscience et le sens des responsabilités des maires qui refusent d'appliquer la Loi, se situant au dessus de la Nation et de ses représentants. Je vais rappeler ce que signifient les termes de conscience et de responsabilité avant de faire mon commentaire.
Conscience :
  • Propriété particulière de la conscience humaine qui permet à l'homme de porter des jugements normatifs immédiats, fondés sur la distinction du bien et du mal, sur la valeur morale de ses actes; connaissance intuitive, sentiment intime de cette valeur.
  • Affaire de conscience. Problème mettant en jeu la conscience morale parce qu'il implique, pour que soit préservée la paix de la conscience, le besoin et la nécessité, malgré certaines difficultés, de se conformer à une obligation morale.
  • Bonne conscience. Conscience satisfaite de l'homme qui a le sentiment d'agir conformément aux valeurs morales et de n'avoir aucun reproche à se faire.
  • Se donner bonne conscience. Trouver les accommodements et l'indulgence nécessaires vis-à-vis de soi-même pour avoir à moindre frais le sentiment de s'acquitter de ses obligations morales et de n'avoir rien à se reprocher.
  • Liberté de conscience. Liberté laissée à chacun, en particulier par les pouvoirs publics, de juger des doctrines, religieuse et philosophique notamment, qui lui conviennent, accompagnée de la liberté d'y conformer sa vie.
  • Vendre sa conscience. Abandonner à d'autres personnes, en échange de certains avantages, son pouvoir et son droit de juger par soi-même et de se déterminer librement.
  • Objection de conscience. Action d'objecter des devoirs supérieurs d'ordre religieux, ou simplement moral, pour refuser d'accomplir une obligation légale. Refus d'accomplir ses obligations militaires au nom de la religion, ou de la morale, qui condamne la violence et le fait de tuer.
  • Conscience (professionnelle). Scrupuleuse honnêteté que l'on apporte à l'exécution de son travail, inspirée par le sens des exigences de sa profession accompagné de la volonté de s'en acquitter au mieux quelles que soient les difficultés.
  • Cas de conscience. Difficulté créée par une situation ambiguë où la conscience hésite à se déterminer dans un sens précis faute d'une prescription religieuse à laquelle se référer dans un tel cas.
Responsabilité :
  • Définition : Fait d'être responsable, de devoir répondre de ses actes ou de ceux de quelqu'un d'autre, ou d'avoir à sa charge des décisions. Synonyme : obligation.
  • «La personne responsable assume les conséquences de ses actes, qu’ils soient délibérés - c’est-à-dire résultant d’une décision prise ou acceptée - ou non, de telle manière que les autres en bénéficient au maximum ou, du moins, n’en souffrent pas. En même temps, elle fait en sorte que les autres se comportent de la même façon”.
  • Sens des responsabilités : Capacité de rencontrer ses obligations, de remplir ses devoirs et de porter les conséquences de ses actes.
  • La responsabilité morale consiste en une capacité pour un sujet volontaire et conscient de prendre une décision sans en référer au préalable à une autorité supérieure, à pouvoir donner les motifs de ses actes, et à être jugé sur eux.
Les élections municipales approchent et bien des maires sont près à tout pour être à nouveau élus. L'avantage du mariage pour tous est incontestable : qu'on soit pour ou contre ou que l'électorat soit pour ou contre (le candidat à la mairie adoptera celui de la majorité qui l'élira – c'est ce qu'on appelle un cas de conscience) la publicité est gratuite. C'est le moment de bâtir sa campagne électorale sans risquer d'avoir ses comptes rejetés par le Conseil Constitutionnel. C'est beau la démocratie !

« Votre morale n'est pas la mienne. Votre conscience n'est plus la mienne. »

(Albert Camus.)